L’éléphant de mer

Eléphant de mer
Océan austral

Les données océanographiques vitales pour mieux comprendre le climat mondial peuvent être difficiles à obtenir, surtout aux hautes latitudes où la glace de mer et les intempéries rendent la navigation des navires périlleuse et empêchent la détection par satellite.
Pourtant, il existe une « sonde » vivante qui parcourt ces régions du monde toute l’année : les éléphants de mer ! Dans l’océan Austral, ils peuvent transporter une plate-forme océanographique miniature pour compléter les données obtenues par des moyens plus traditionnels.

Composition du bio-logger

Plate-forme océanographique miniature

Grâce aux progrès technologiques, il existe aujourd’hui une pléthore de paramètres physiques et bio-géochimiques qui peuvent être mesurés par l’éléphant de mer : température, salinité, oxygène dissous, pH… Tout est possible ! Avec les autres informations fournies par le GPS et l’enregistreur de profondeur en fonction du temps (localisation) ou par des accéléromètres et des magnétomètres (trajectoire précise et activités des phoques), il est possible d’enregistrer des paramètres à un niveau de précision comparables à celles des physiciens. Et avec un système de transmission ajouté à l’enregistreur, les données peuvent même être envoyées presque en temps réel.

Capture et fixation du dispositif

La pose : pas si facile !

Bien que cela semble simple, obtenir la coopération des éléphants de mer peut s’avérer difficile. Une bête de plusieurs centaines de kilos au mieux – 3 tonnes dans le cas d’un mâle – nécessite une sédation pour être manipulée et un système de mini-grue pour être pesée. On pourrait penser qu’un corps aussi énorme offre l’embarras du choix pour fixer un enregistreur. Mais pour obtenir une communication claire avec le satellite, le sommet de la tête est souvent le seul endroit. Et sur une fourrure aussi fine, seule la colle peut maintenir le logger en place jusqu’à ce qu’il soit récupéré ou jusqu’à la prochaine mue de la fourrure où le système de fixation et le logger se détacheront naturellement.

Enregistrement des données

Plongeurs exceptionnels

Les éléphants de mer sont extraordinairement adaptés à la vie marine. Ils peuvent plonger jusqu’à plus de 2000 m et couvrir plusieurs milliers de kilomètres, traversant tout le bassin océanique, au-dessus et au-dessous de la glace de mer. Ils sont clairement de précieux auxiliaires océanographiques. Bien que ces mammifères plongent tout au long de la journée, ils passent suffisamment de temps à la surface entre deux plongées pour que des données résumées (ou simplifiées) soient envoyées au satellite. Et lorsque ces animaux regagnent la terre ferme (les îles subantarctiques) pour se reproduire ou pour la mue, il alors possible de recapturer l’animal et de récupérer le logger avec l’ensemble des données. Pour ce dernier cas, la collaboration internationale est primordiale car l’éléphant de mer peut répapparaitre sur une autre île. C’est alors une autre équipe de recherche qui récupérera l’enregistreur !

Récupération des données

Des informations précieuses

Que les données résumées ou que l’ensemble des données soient récupérées, il y a beaucoup d’informations à traiter. Une série de scripts est appliquée aux données brutes afin de les rendre compatibles avec les normes internationales des données océanographiques.

Interprétation des données

Profils de température

Toutes les données sont géoréférencées (latitude, longitude et profondeur), de sorte que les profils 3D d’un paramètre donné peuvent être reconstitués le long de la route suivie par l’éléphant de mer. Par exemple, les profils de température en fonction de la profondeur peuvent révéler la présence ou l’absence de thermocline, une rupture dans la diminution de la température avec la profondeur qui est souvent associée à une productivité biologique élevée. Et lorsque les profils de température sont affichés le long de la route de l’animal, cela donne aux scientifiques une vue des différentes masses d’eau et de leur dynamique dans l’océan Austral.

Résultats

Partage des données

La collaboration internationale n’est pas seulement une condition sine qua non pour la recapture des éléphants de mer. L’approche utilisant les mammifères marins comme bioplateformes océanographiques est en fait répétée par de nombreuses équipes de recherche à travers le monde qui sont organisées en consortium. Ce consortium (MEOP) est le premier fournisseur de données océanographiques aux hautes latitudes, notamment dans l’hémisphère sud où près de 90% des données collectées au sud de 60° proviennent des éléphants de mer !